Faut-il faire plaisir ou être utile à ses clients ?

Faut-il faire plaisir ou être utile à ses clients ?

Quand on est dans l’entrepreneuriat de sens, la question peut surprendre. On imagine mal faire plaisir à nos clients sans leur être utile… et pourtant !

Aujourd’hui, nous nous extirpons péniblement d’un monde où les habitudes commerciales ont bercé nos cerveaux endoloris au ROI, à la satisfaction client… et surtout : au court terme. Très souvent, l’impératif économique pousse à donner ce « sentiment de plaisir » au client.

La dictature de la satisfaction

Dans l’accompagnement personnel et professionnel, la tendance est aussi aux méthodes brèves. Elles fonctionnent bien, elles offrent des résultats mesurables facilement (et créent bien souvent leurs propres outils de mesure pour s’assurer un côté SMART).

L’individu accompagné est dopé aux hormones pendant un petit moment… mais quid de son épanouissement sur le long terme ? Surtout quid de l’impact sociétal sur le long terme ?

Même avec l’humain on fait du fast, avec bien souvent les mêmes conséquences individuelles et sociétales que la fast food, la fast fashion et la fast furniture

Le court terme : c’est là que le bât blesse.

Faire plaisir tout de suite, c’est contraindre nos interlocuteurs à leur système instinctif. En leur offrant du prémâché, du prépensé, on les dispense du recours à leur système analytique. On les réduit à des consommateurs et on entretient un système pervers auto-destructeur.

Pour l’accompagnant-prestataire, on se retrouve dans la position d’un dealer (qui aurait peut-être des états d’âme). On vend sa dose au client, on est bien content parce qu’il nous nourrit, mais on sait qu’on le maintien dans une situation de dépendance.

Pire on renforce cet état de dépendance.
Car il baigne dedans tous les jours, à coups de réseaux sociaux, de vidéos de chatons, de boissons sucrées, de notifications et autres addictifs du quotidien.

Changer de paradigme

Quand on aspire à s’inscrire dans une démarche RSE, respectueuse de la santé mentale des individus avec lesquelles nous interagissons, peut-on se permettre d’entretenir un éventail de dépendances allant de l’appel à actions « il reste seulement quelques places » à la simple conclusion de mail « à votre disposition » ?

Faut-il arrêter de faire plaisir ? Non. Heureusement !

Le plaisir est aussi utile que nécessaire. Comme l’argent, il devient simplement dangereux quand il est réduit à une finalité. S’il est le but, il devient source d’épuisement et réduit nos ressources physiologiques et psychologiques à peau de chagrin.

Oui on peut se l’autoriser : on peut ne pas faire plaisir. On peut même passer par l’insatisfaction. C’est nécessaire, parfois même salvateur.

Les vrais amis ne sont-ils pas justement ceux qui savent nous dire aussi ce qui ne nous fait pas plaisir ?

L’être réellement aimant n’est-il pas celui qui sait nourrir le bonheur de l’autre, même aux dépens des plaisirs et satisfactions, voire aux dépens de la relation elle-même ?

Savoir apprendre de l’insatisfaction est une particularité de l’être humain qui lui offre sa capacité d’inhibition et lui permet de voir au-delà de lui-même et au-delà de l’instantanéité.

L’éducation et la culture remplissent initialement cette fonction. Elles participent à s’extraire des perceptions pour s’offrir des perspectives. La méditation offre parfois également de bons résultats dans le domaine.

Une maladie sociétale ? La fatalité d’un plaisir insatisfaisant ?

Face aux précieux outils d’inhibition évoqués ci-dessus, il y a le rouleau compresseur de la consommation, aussi destructeur pour celui qui consomme que pour celui qui fait consommer. Plus il nourrit les habitudes, plus il réduit le champ des possibles. Quelques minutes de réseaux sociaux peuvent mettre en miette des mois de travail sur soi.

Alors quand on se place en situation de sevrage, le choc est souvent trop violent.
Cet article aurait pu s’arrêter ici.
Défaut de plaisir, probablement très peu utile. Voire contreproductif.
Il faut du temps pour aller au-delà du choc… une respiration au moins. Souvent plus…

Comment être utile sans être obsédé par la volonté de faire plaisir ?

Il faut bien manger… trouver des clients… les garder… et hop on remet tellement facilement une pièce dans la machine. On crée de l’anxiété et il va falloir qu’on compense et on va se précipiter sur la recherche de la satisfaction client. Un coup de peur, un coup de quête du plaisir. L’individu semble comme un petit grain secoué en rythme dans son sablier.
Ce n’est pas une fatalité.

Se responsabiliser, c’est accepter de partir de soi, pour faire les choses par soi et non pour soi.
J’aimerais que l’article s’arrête ici.
Faire par soi, à partir de soi, c’est source d’un plaisir qui nous dépasse et qui se dépasse lui-même. On répond aux besoins primaires en même temps qu’à la quête de sens. Toute la pyramide de Maslow s’illumine comme une montée de Kundalini.

En d’autres termes, on ressent l’épanouissement par l’action qui tend vers des aspirations dont les finalités vont au-delà de notre intérêt individuel.

Alors pour ne pas sombrer dans la quête du faire plaisir, il convient de prendre régulièrement du recul et regarder ce qui guide nos actes. Ajuster au besoin pour éviter les excès de nos humeurs. L’équilibre est en mouvement.